La fin des locations courte durée à Paris ?

Les locations meublées touristiques sont régies par des réglementations locales prises en application de l’article L.631-7 du Code de la construction et de l’habitation qui prévoit que « le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens du présent article ».
La mairie de Paris impose la réalisation de plusieurs démarches au bailleur souhaitant louer un bien meublé dans la capitale pour une courte durée, hors résidence principale : notamment, une autorisation de changement d’usage (d’un usage locatif à un usage professionnel) avec compensation, en application des articles L.631-7 et suivants du Code de la construction et de l’habitation et de l’article 3 du règlement municipal relatif au changement d’usage.
Le mécanisme de compensation implique pour le bailleur de transformer une surface professionnelle ou commerciale en logement, pour compenser la perte de surface d’habitation du local transformé. Le demandeur la propose sur son propre patrimoine ou sur le patrimoine d’un tiers qui lui cède cette possibilité à titre onéreux ou gratuit. Il s’agit a minima de la même surface que celle du local transformé dont l’usage devient professionnel, voire davantage en fonction de l’arrondissement dans lequel le bien se situe.
De nombreux propriétaires ne respectaient pas ces obligations de changement d’usage et de compensation. En 2015, la Ville de Paris a assigné deux d’entre eux auxquels elle reprochait d’avoir loué leur studio sur la plateforme Airbnb sans avoir demandé l’autorisation préalable de la mairie.
Le Juge des référés du Tribunal de grande instance de Paris, puis la Cour d’appel de Paris, ont condamné les deux bailleurs au paiement d’une amende, de respectivement 25.000 et 15.000 euros, et ordonné le retour des studios à leur usage d’habitation.
Les propriétaires ont formé un pourvoi en cassation et la Cour de cassation a demandé à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de se prononcer sur la conformité des règles avec le droit européen.
Dans son avis du 22 septembre 2020, la CJUE a considéré que « la réglementation nationale soumettant à autorisation la location, de manière répétée, d’un local destiné à l’habitation pour de courtes durées à une clientèle de passage […] est conforme au droit de l’Union ». Elle a estimé que la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location de longue durée constituait une raison impérieuse d’intérêt général justifiant la réglementation d’un Etat membre, tout en laissant le soin aux juridictions françaises le soin de trancher l’examen de la conformité de chaque dispositif local avec la réglementation européenne.
A travers trois arrêts rendus le 18 février 2021, la Cour de cassation a considéré que la réglementation mise en place par Paris pour encadrer la location de résidences secondaires sur les plateformes numériques était conforme au droit européen. Elle a considéré que le dispositif d’autorisation préalable, y inclus le mécanisme de compensation, adopté par la capitale pour réguler les locations touristiques de courte durée, était clair et adapté à la nécessité de lutter contre la pénurie de logements destinés à la location.
Les centaines de contentieux en cours entre propriétaires parisiens et Ville de Paris ont pu reprendre leur cours à l’aune de ces arrêts.
Ce mécanisme de compensation ainsi validé va-t-il dissuader les propriétaires de louer leur résidence secondaire en location meublée touristique et relancer la dynamique immobilière relative à la vente de studios dans la capitale ainsi que celle de la location meublée classique ? Ce mécanisme va-t-il profiter aux multi-propriétaires ainsi qu’aux professionnels tels que les promoteurs immobiliers ?
Il conviendra de suivre ces évolutions à Paris, mais aussi dans d’autres grandes villes françaises et partout dans le monde.